« Think about it » (Dan Harmon)

Trigger warning : harcèlement, tentative de viol. Vu le sujet, je me suis abstenu d’illustrer avec des gifs, ce n’est pas spécialement le propos.

Salut les sériephiles,

#MeToo, #BalanceTonPorc, Kevin Spacey et autres affaires de scandales sexuels et révélations sont autant de sujets sur lesquels je suis resté silencieux sur le blog et Twitter, pour tout un tas de raisons. Déjà, parce que je ne me sens pas particulièrement légitime à en parler, tout simplement.

Ensuite, parce que j’ai tendance à éviter la polémique sur le blog : j’écris ici pour me détendre, pour le fun, pour débattre sur des séries & personnages, pas sur des sujets douloureux comme ça, qui en plus attirent invariablement les trolls (passe ton chemin si tu en es un, merci).

Une autre raison est que j’ai l’impression, depuis quelques mois, d’entrer dans l’intimité de la vie de beaucoup trop de gens. Et je n’aime pas trop entrer dans l’intimité des gens quand je considère que je n’y ai pas ma place ; de la même manière que je n’aimerais pas qu’on entre dans la mienne (j’ai, comme tout le monde, des choses à me reprocher et d’autres dont je peux être fier).

Comme beaucoup, je me suis senti révolté à la lecture de certains témoignages ou j’ai eu envie de vomir à la lecture d’autres ; et cela, qu’il s’agisse de stars que j’apprécie (le post Facebook d’Eliza Dushku), de stars que je n’apprécie pas particulièrement (les accusations extrêmement détaillées envers Aziz Ansari) ou simplement de contacts sur Facebook, desquels je suis plus ou moins proche. C’est horrible et c’est frustrant, surtout quand on l’apprend des années après. Et puis, parce qu’on est la génération zapping, on en parle dix minutes et on passe à un autre témoignage, puis à un autre, puis à un autre, puis à un autre…

Ce qui m’amène à la dernière raison pour laquelle je n’en parlais pas jusque-là : l’hypocrisie totale derrière ce mouvement. Très franchement, cela fait des années que je sais – et donc que vous savez, que tout le monde sait – très bien qu’il se trame des choses louches et peu avouables dans les coulisses d’Hollywood. Il y en a eu plein des scandales et des affaires ces dernières années ! Sur la société en général ? De qui se moque-t-on ?

Tout le monde le savait très bien que dans les bars, il y en avait pour faire boire les filles et abuser ; qu’il y avait des patrons qui profitent de leur pouvoir, que dans les transports, il y avait des connards aux mains baladeuses (au mieux ! – il y a trois ans, j’ai été témoin d’une tentative de viol à main armée sur mineure dans le RER, un mercredi à midi ; tout s’est « bien » terminé car on a pu enclencher l’alarme avec d’autres passagers, mais le type cagoulé s’est enfui… et tout est dit, je crois) ; que dans la rue, il y en a pour klaxonner les filles qui rentrent de l’école ; etc, etc. Aujourd’hui, pour être « dans la norme », il faudrait feindre d’être surpris de le découvrir ? Mouais, j’appelle ça de l’hypocrisie, et encore plus quand on se contente de s’indigner cinq minutes sur un sujet avant de le zapper.

Attention, je ne dis pas que c’est normal (loin, très loin de là) ou qu’il faut laisser faire. C’est très bien que ce tabou soit tombé – en tout cas, qu’il soit tombé dans un certain milieu, parce que je doute franchement qu’un mouvement à Hollywood change la face de la Terre et des siècles de pratique en un claquement de doigts malheureusement, mais les réactions de surprises feintes et d’indignation passagère, pour même pas 24h en général, ça m’a plus frustré qu’autre chose. Et on est encore loin de voir des vraies solutions proposées. Je n’en ai pas non plus, hein, mis à part que tout commence par son propre comportement quotidien et la manière d’en parler.

Vous allez me demander pourquoi j’en parle finalement. La première raison est que je sais que c’est un sujet important et que ce n’est pas bien de ne rien dire, même si je n’ai rien de plus à en dire. Techniquement, j’en ai déjà parlé dans le cadre privé avec de nombreuses personnes, forcément, mais jamais ici. Et ce n’est pas bien, je pense.

La deuxième raison, c’est que j’ai lu cet excellent article intitulé « Aziz Ansari, Dan Harmon, et l’hypocrisie des journalistes séries français » (vraiment, lisez-le, il suffit de cliquer) et que je me suis senti visé par sa conclusion, parce que je suis un grand fan de Community et que je l’ai dit plus d’une fois sur le blog, mais je n’ai pas parlé de l’affaire Dan Harmon.

Si j’aime Community, je n’ai jamais aimé Dan Harmon, son créateur. C’est un génie de l’écriture, c’est évident, mais comme tous les génies, je trouve le peu que je connais de sa personnalité assez détestable (et j’ai le même problème avec Joss Whedon). Si j’admire le talent d’écriture & le travail, je suis loin d’admirer la personne en elle-même (c’est pour moi deux choses qui peuvent être radicalement opposées… aussi bien que totalement mélangées – et pour ce deuxième cas, je parle bien sûr de Felicia Day).

Bon, ceci étant dit, la manière dont il reconnaît ses actes est une vraie leçon d’humilité qui me fait légèrement changer d’avis sur lui (mais je n’oublie pas qu’elle vient de quelqu’un qui maîtrise à la perfection le langage & l’écriture, donc la manipulation). Sa conclusion est simplissime, mais criante de vérité : il est parfois facile de s’en tirer sans prendre la peine de réfléchir à ce qu’il s’est vraiment passé. Réfléchir à ce qu’a pu ressentir l’autre, c’est la base d’une bonne relation humaine (et c’est valable en-dehors du cadre du harcèlement). Du coup, juste : pensez-y. Pensez à l’autre, pensez à vos torts, reconnaissez-les, améliorez-vous et apprenez de vos erreurs. Perso, je n’ai pas mieux comme conseils.

Mon vrai problème dans cette affaire et la vraie raison pour laquelle j’écris cet article, c’est que je suis très fan de Community, mais je n’étais même pas au courant de l’accusation portée contre lui, tellement les médias français sont effectivement restés silencieux sur le sujet.

Et si on en est déjà revenu à se taire sur tout ça, alors c’est que le mouvement #MeToo était encore plus éphémère que ce que je pensais, encore plus zappé que prévu et encore plus réduit au silence que je ne l’envisageais. Alors autant l’ouvrir, même si je n’ai rien de plus à dire.