Dans le pilote de The Following, nous découvrons le personnage de Joe Carroll, professeur de littérature obsédé par l’œuvre d’Edgar Allan Poe qui a commis une série de meurtres. À l’aide des réseaux sociaux et d’un de ses livres, il s’est constitué un solide réseau de “followers”, des fans prêts à tout pour être dans ses bonnes grâces, y compris à tuer et à le libérer de prison. Pour les contrer, l’ex-agent du FBI Ryan Hardy reprend du service.
The Following, c’est aussi et surtout l’histoire d’une série à deux vitesses, capable de proposer de grandes choses et l’instant suivant de tout ruiner. En sacrifiant la crédibilité du scénario pour user à tort et à travers des mêmes ficelles pendant trois saisons, les scénaristes proposent une série addictive qui d’épisode en épisode va perdre sa saveur.
Retour sur trois saisons inégales d’une série qui s’achève avec un goût de frustration : spoiler alert.
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Une série addictive
Un rythme effréné
Oui, si The Following est vraiment addictive dès son pilote, c’est parce qu’elle propose un rythme effréné qui ne permet pas aux spectateurs de reprendre leur souffle. Le pilote propose ainsi un jeu avec les codes de la formule du procedural. La formule paraît d’abord respectée : des personnages archétypes (à la limite de l’insipide) sont proposés, deux antagonistes clairement définis, et la victime à sauver présentée. Pourtant, ces conventions plates se font rapidement tordre le cou. Tout dans ce premier épisode cherche à fasciner le spectateur : les références un peu obscures à l’œuvre de Poe, les retournements de situation, l’échec du héros qui paraît bien faible et bien sûr, la révélation des trois premiers followers.
Beaucoup de questions restent sans réponse, mais en même temps, beaucoup de réponses sont apportées : le rythme est effréné parce que les « gentils » sont débordés par les actions permanentes des « méchants » ayant un coup d’avance.
En fait, il se passe déjà beaucoup (trop) de choses dans ce premier épisode. Les retrouvailles des trois premiers followers notamment, surprise finale que l’on attendrait plutôt quelques épisodes plus tard, mais qui vient enfoncer le clou de l’échec de n’avoir su sauver la damoiselle en détresse (parce que c’est quand même de ça qu’il s’agit). Et c’est sans compter sur l’enlèvement de Joey… Là où le spectateur s’attendait à un épisode bouclé, il n’y a que le début d’une histoire très dense. Je profite de cette mention du personnage de Joey pour saluer une excellente écriture du personnage : c’est rare de voir des personnages d’enfants qui ne soient pas qu’agaçants dans les séries.
Ce n’est plus une originalité, mais plutôt une ficelle usée dans toutes les séries : The Following se repose sur des cliffhangers cherchant à s’assurer la présence des spectateurs à l’épisode suivant.
Une violence permanente
L’autre trait très addictif de The Following, c’est bien sûr sa violence, elle-aussi perceptible dès le premier épisode avec les jolis yeux de Maggie Grace violemment arrachés.
Cette violence va parcourir les trois saisons de la série : chaque épisode de la série présentera au moins un meurtre et de nombreuses scènes s’attacheront à montrer des personnes lambdas dont la vie bascule à cause des followers. C’est le cas par exemple de cette pauvre vendeuse qui se fait kidnapper en saison 1, que l’on voit quelques épisodes enfermée à la cave et qui s’en sort, ou de cette moins chanceuse infirmière en saison 2 qui se fait violemment tuer devant chez elle afin qu’un follower de Lily puisse prendre sa place à l’hôpital et aller libérer le jumeau qui y est prisonnier.
Au-delà de la violence physique, The Following aime aussi s’essayer à la violence psychologique à plusieurs reprises. Outre la vendeuse de la saison 1, prenons le cas du personnage de Mike : simple agent du FBI à la vision du monde manichéenne en saison 1, Mike devient en saison 2 un homme dont les convictions sont ébranlées. L’apogée de cette violence psychologique se traduit par une scène-clé pour le personnage : celle de la mort de son père, exécuté de sang-froid par Lily sans qu’il ne puisse rien y faire. Dès lors, c’est la descente aux enfers pour Mike qui ne s’arrête plus dans son désir de vengeance. La mort de Lily, qu’il exécute de sang-froid, ne lui suffit plus, et il fait de l’arrestation de Mark une vendetta personnelle. La violence psychologique sert donc les cliffhangers et les intrigues de fond, on passe de celle d’un personnage à un autre (de Mike à Mark).
Des portraits psychologiques fouillés ?
Elle sert aussi et surtout à proposer des portraits psychologiques fouillés. Outre le personnage de Mike, celui de Jacob tout au long de la saison 1 est peut-être l’une des plus belles réussites de la série.
En effet, c’est bien le seul des followers dont on comprend les motivations – précisément parce que lui non plus ne les comprend pas et est perdu. Le personnage se présente tout en doutes et en contradictions : il a tout du méchant, mais est en même temps toujours prêt à se repentir. C’est le seul à paraître encore humain à bien des reprises, et pourtant, c’est aussi lui qui enseigne à Joey que tuer, c’est facile et bien (autre scène de violence psychologique magistrale). En fait, Jacob est perdu, et il l’est tellement qu’il en arrive à avoir une relation homosexuelle alors qu’il est hétérosexuel ; qu’il n’a pas envie de tuer mais le fait, qu’il veut tuer Emma mais n’y parvient pas. Au contact de Claire, il prend conscience une nouvelle fois de son humanité. Et c’est bien sûr à ce moment-là qu’Emma le tue, car le personnage s’éloigne un peu trop du manichéisme de la série. Portraits psychologiques fouillés et manichéisme ? Non, ce n’est pas possible. Et pourtant…
Autres portraits brillamment réussis, notamment grâce au jeu du (seul !) acteur, ceux des jumeaux Luke et Mark. Bien que les motivations de ces jumeaux restent assez floues, le caractère perturbé mais ô combien différent des deux est un vrai régal. Le twist de la saison 3, avec le développement de la schizophrénie est Mark, est une idée parfaite car l’acteur est capable de l’interpréter avec brio – dans une dimension rappelant presque l’inégalable Tatiana Maslany dans Orphan Black. Les jumeaux représentent donc des méchants aux profils travaillés, certes, mais ils n’en restent pas moins, dès leur conception, des méchants… Paradoxe presque étonnant pour des personnages si fouillés.
Une série pleine de paradoxes
Le manichéisme
À trop vouloir justifier les actions des followers en saison 1, The Following parvient surtout à dessiner un manichéisme primaire qui dessert totalement la suite de la série. Il y a les gentils d’un côté et les méchants de l’autre, et l’on bascule définitivement dans ce schéma sans jamais y revenir à partir de la mort de Jacob. Il y a bien Mandy en saison 2, présentée comme le maillon faible de la chaîne de serial-killer, c’est vrai, mais l’écriture du personnage peine à convaincre. Elle doute, mais tue instinctivement, avant de douter à nouveau. Les scénaristes tentent de nous montrer un personnage à la fois fasciné et effrayé, mais l’intrigue ne prend jamais vraiment à cause d’une faute originelle : le premier meurtre est trop soudain pour qu’une dose de crédibilité existe. Le coup de pelle, oui. Le meurtre, non. Partant de là, toute la storyline du personnage tombe à l’eau, car elle est définitivement du mauvais côté de la barrière manichéiste de la série (comme le prouve sa fugue pour retrouver Lily : jamais Mandy ne se trouve du « bon » côté).
Les raisons évoquées de la folie des personnages ne sont que rarement convaincantes et jamais ne sera expliqué en saison 1 ce qui pousse les followers à se ranger derrière Joe Carroll, dont on a peine à croire que le seul charisme suffise. Et il est difficile de se faire une idée sur ce premier livre de Carroll qui déchaîne tant de passions, car il n’est toujours qu’évoqué à demi-mots. Pire : plus la série progresse, moins elle s’intéresse à ses personnages et aux raisons derrière leurs actions, pour s’enfermer dans des schémas de plus en plus simplistes.
En saison 2, il est difficile de croire à cette famille de psychopathes qu’on nous présente très large, mais qui est très rapidement décimée. Leurs motivations réelles sont assez floues. Est-on censés se contenter de la folie de ces personnages ? Inutile de mentionner également la secte de la seconde partie de saison, qui est grosso modo un simple pool de red shirts. Pour ceux d’entre vous qui ne connaîtrez pas, les red shirts, ce sont les membres de l’équipage de l’Enterprise dans Star Trek, qui passent pas mal de temps à se faire massacrer. En résulte une légende urbaine qui veut que les personnages portant des vêtements rouges meurent dans l’épisode pour souligner le danger d’une action ou d’une scène (ça se vérifie plus ou moins selon les séries, la page Wikipedia en anglais en donne quelques exemples, Lostpedia également avec quelques spoilers Lost, et voici le lien de la page traduite pour ceux qui parlent uniquement français). Pour en revenir à The Following, ces personnages figurants tous en rouge sont uniquement présents pour être tués, et pas besoin d’une légende urbaine pour le voir venir. Ils n’ont absolument aucune autre utilité, j’en veux pour preuve leur docilité face aux disparitions des leurs et le massacre final. En saison 3, on ne sait plus vraiment les raisons qui poussent les méchants à être méchants, ils sont méchants et c’est bien suffisant. À force de proposer des followers, la série en oublie leur intérêt pour leur laisser une simple fonction meurtrière. On s’attache encore à ses personnages plein de faiblesses, c’est sûr, mais on ne sait pas bien pourquoi ils sont si cinglés. Et la saison 3 ne s’embarrasse même plus de leur donner des faiblesses. Elle tombe dans un manichéisme primaire, tout en essayant de faire passer la pilule du gentil devenu le méchant qu’il pourchasse à force de vouloir se venger…
En effet, la série nous présente les gentils et les méchants pendant une saison et demie, puis soudainement réalise que ses gentils sont aussi méchants que les méchants. Mais ils sont gentils, alors ce n’est pas si grave. Que dire du personnage de Ryan ? Antihéros banal, son addiction à l’alcool le rattrape après avoir été effleuré timidement pendant deux saisons. Quelle conclusion offre la saison 3 à cette storyline ? On ne sait pas bien. C’est un gentil, il surmonte son alcoolisme, mais pas sa passion de tuer. Il part seul pour protéger sa famille en se faisant passer pour mort. Ça correspond tout à fait au personnage et offre un ultime sacrifice qui ne laisse aucun doute sur le fait que c’est un… gentil.
La série se veut complexe, mais elle repose en permanence sur des schémas paradoxaux et tristement simplistes. Il y a d’abord le schéma de la vengeance, vendetta personnelles : Ryan veut tuer Joe (et inversement… puis, on ne sait plus bien), Claire veut tuer Emma (et inversement), Mike veut tuer Lily ou Mark (et inversement), etc. Chaque fois ces intrigues reposent sur un « gentil » qui veut se venger d’une action d’un « méchant »… Et bien sûr, c’est le gentil qui gagne. Les méchants ne sont pas en reste pour la vengeance : Lily qui pense que Lue est mort, la mort de Gisèle ou la mort de Kyle en saison 3 sont autant de motifs de revanches personnelles. Autre schéma simpliste et qui n’a rien d’original, mais qui fait quand même les ficelles de la série : derrière chaque grand homme (Ryan, Mike, Joe), il y a une femme (Claire/Max, Emma) : Claire et Max sont le compas moral de Ryan, elles s’assurent qu’il reste du bon côté de la ligne, qu’il soit « clean« . Max assure d’ailleurs ce même rôle avec Mike, et cela est souligné à plusieurs reprises dans la série par cette pauvre Max, notamment lors de cette réplique un peu grosse : « Ok, I have no problem playing good cop/bad cop but only if it’s just playing » (3×03). La série assume totalement son schéma simpliste du good cop/bad cop – qui fut un temps synonyme de complexité – poussé à l’extrême dans un parallèle femme/homme d’un autre temps, qui finit par être presque gênant tant il est démodé.
À l’inverse, Emma s’assure que Joe reste du mauvais côté, tout en le protégeant : combien de fois la voit-on lui dire de raccrocher le téléphone pour ne pas être localisé ? Combien de fois souhaite-elle que Joe tue Ryan ? De ce point de vue-là, l’évolution du personnage est plus que décevante : en saison 1, elle nous est présentée comme une jeune femme à la vie difficile qui croit en Joe, qui ne voit rien de mal dans ses actions – tuer n’a rien de mal, finalement, si c’est pour une bonne raison ; c’est avant tout une question de pouvoir comme Jacob l’enseigne à Joey. « Maybe he’s not so bad. Maybe we just don’t understand him » réplique-t-elle d’ailleurs à Joey à la mi-saison 1 lorsqu’il cherche à comprendre pourquoi son père est si mauvais. Et pourtant : en saison 2, elle assume pleinement être du côté des méchants et bascule dans un manichéisme évident, comme si la série regrettait d’avoir un temps joué la carte du flou. Les ficelles deviennent grossières, Emma est désormais du côté des méchants parce qu’elle a tué Jacob. Plus de flottement ou de doute, c’est décidé, après la saison 1, il reste les méchants et les gentils en saison 2. Pour la saison 3, les gentils ne sont pas si gentils, mais pas totalement méchants pour autant. Voilà grosso modo la construction de ces trois saisons, et une fois repérée, le plaisir de découvrir la série est un peu compromis.
Le revers du rythme effréné : la surenchère
En plus de ces schémas, un autre problème vient saboter la série. C’est qu’avoir un rythme effréné, c’est bien, mais pénalisant. Malheureusement, le conserver pousse les scénaristes à en oublier la crédibilité des événements présentés. Comment aller vite avec un héros cardiaque ? En oubliant qu’il a des problèmes cardiaques pendant toute la saison 2, par exemple. Ryan, en début de saison 1, est incapable de courir plus de cinq minutes sans être sur le point de s’effondrer. À plusieurs reprises, son pacemaker est présenté comme un point faible exploité par les méchants pour (ne pas) le tuer. C’est l’une des faiblesses du personnage qui doit pousser le spectateur à l’apprécier. Pourtant, dès la saison 2, ses problèmes cardiaques disparaissent : ils sont cités à plusieurs reprises, mais jamais ne l’affectent directement lorsqu’il est poursuivi par les méchants, lorsqu’il croit sauver Lily, lorsqu’il se bat et tue Gisèle (snif), la liste est sans fin.
En terme d’évolution des personnages, cette surenchère du rythme aurait pu apporter beaucoup de bonnes choses. Malheureusement, l’exemple de Ryan est loin d’être le seul exemple d’oubli des scénaristes (mais c’est le plus flagrant). De manière générale, l’ensemble des personnages féminins ne connaît pas d’évolution au cours de la série : quand Claire décide de passer à autre chose et d’enfin évoluer, elle disparaît simplement des intrigues (mais ce n’est pas un mal, car les traits réussis de son personnage sont totalement détruits par la saison 2). Max est un personnage principal durant deux saisons, mais puisqu’elle sert de compas moral dans un schéma simpliste, elle est condamnée à ne pas évoluer alors que ses pendants masculins changent et deviennent des personnages hantés par les événements traumatiques qu’ils vivent. Le seul vecteur d’évolution du personnage de Max est donc… l’enchaînement de ses petits-amis. Bienvenue dans un monde anti-féministe au possible. Sur le même point, le personnage de Gina est intéressant : certes, elle se remarie et décide de quitter le FBI, mais finalement, elle passe surtout de personnage secondaire à abonnée absente. Quant à son caractère, elle ne semble pas si traumatisée que ça dans son dernier épisode. Et c’est un personnage sur lequel je vais revenir, évidemment, car sa simple introduction dans la série est un peu une honte si l’on pense à Debra. Dernier exemple : Carrie Cooke, femme forte et indépendante, certes, mais dont l’évolution fait peine à voir. Son personnage s’efface progressivement avec le retour de Claire. On pense alors que les scénaristes ont oublié son existence en début de saison 3. Elle ne réapparaît (pas) que pour être tuée brutalement en milieu de saison et servir l’évolution du personnage de Ryan, qui tombe un peu plus dans sa dépression alcoolique. Seuls les personnages masculins connaissent donc une vraie évolution au cours de ces trois saisons et seulement parce que le rythme l’impose, cette évolution est souvent remise en question, souvent effacée pour revenir au point de départ. À nouveau le cas de Ryan constitue un bon exemple : son alcoolisme disparaît aussi vite qu’il est arrivé (et Joe avec !) pour l’épisode final. Idem pour Mike, qui finit tout gentil sur son lit d’hôpital après une période sombre.
Le rythme intense pousse aussi à devoir tuer régulièrement des personnages, pour le simple principe de les tuer : il faut des événements choquants pour continuer la série. Dommage, car cela se traduit par des sacrifices parfois incompréhensibles sur le plan scénaristiques (Jacob) quand d’autres survivent très longtemps sans qu’on ne sache bien comment (Ryan, tu aurais dû mourir tant de fois).
Bien sûr, la série est parsemée de bonnes trouvailles. La famille de psychopathes internationale et les nombreuses scènes en français en font partie. Sauf que le manque de crédibilité des trois quart des événements dessert The Following : l’idée de la famille est bonne, mais il aurait fallu la développer et lui donner des bases bien plus solides. Autre saison, autre trouvaille sympathique : l’arc narratif du petit-ami de Max est peu original, mais l’engrenage est au départ bien amené. Malheureusement, il devient un peu trop extrême lorsqu’il tue sa partenaire du FBI et perd tout son charme en même temps que sa crédibilité dans cette surenchère peu enthousiasmante et du coup prévisible.
Surtout, tout au long de la série les mêmes codes du suspens sont utilisés à l’envi dans chaque épisode et finissent par lasser : par exemple, à combien de scènes dans l’obscurité à la recherche d’une proie à tuer (du côté des gentils comme des méchants) assiste-t-on au cours de ces 45 épisodes ? La surenchère ne peut pas être si surprenante dans une série qui parle de serial-killers. Malheureusement, elle dessert la série.
Jumping the shark : l’adieu à la crédibilité
En effet, comment ne pas penser à l’expression consacrée à une série perdant toute crédibilité, « jumping the shark », lorsque l’on apprend la résurrection de Joe Carroll dans le 2×01 ? Le personnage était mort en saison 1, choix osé de la part des scénaristes, mais qui avait l’avantage d’une prise de risque intéressante. Il restait Emma à capturer pour la saison 2, il aurait suffi de s’intéresser à sa vengeance pour proposer une saison bien construite. Le retour à la vie de Joe Carroll, absolument pas crédible, vient enterrer définitivement le peu de crédibilité qu’il restait à la série – marquant un tournant définitif et sans demi-tour. Il devient aussitôt évident que Claire est encore en vie (en fait, on s’en doute même avant) – dommage qu’il faille attendre huit épisodes pour la revoir.
À partir de cet instant, la série ne s’embarrasse plus de grand-chose. Le personnage de Debra est ressuscité par l’introduction de Gina Mendez, sosie physique et professionnel de l’agent tuée dans la saison précédente. C’est un peu comme si les scénaristes regrettaient d’avoir tué un personnage qu’ils auraient pu facilement sauver, s’ils n’étaient pas tenu par ce rythme impossible à conserver. L’ensemble des storylines de Gina sont d’ailleurs à noter comme exemples de Jumping the shark. Qu’elle soit lesbienne, pourquoi pas, c’est une bonne idée en soi, mais quel dommage de voir son ex tomber dans le double cliché de la lesbienne méchante et morte (sans vraiment qu’on ne comprenne pourquoi d’ailleurs). Gina ouvre aussi la saison 3 avec un mariage surprise, rencontrée moins d’un an après la mort de son ex donc, même si elle en était déjà séparée, c’est un deuil rapide. On n’en saura pas beaucoup plus sur cette femme, pourtant pris en otage par la suite… ce qui là encore est un bon gros requin.
Évidemment, Claire n’est pas morte et nombre de méchants se relèvent après avoir subi des blessures apparemment fatales (Luke notamment). Cela se vérifie aussi du côté de nos gentils préférés, Mike étant déjà un parfait exemple avant même d’être poignardé à trois ou quatre reprises par Mark. Cela se poursuit jusqu’à l’épisode final qui propose ce qui est peut-être le pire twist de la série : un tueur qui se relève après s’être pris une balle dans la tête et « tue » Ryan, qui bien sûr n’est pas mort. Ultime pied de nez des scénaristes, qui semblent ne plus avoir beaucoup d’envie de proposer une série logique et qui donnent l’impression qu’eux-mêmes ne savent pas s’ils voulaient vraiment d’un happy end pour leurs… followers.
Le spectateur-follower
Un jeu évident
Comment parler de The Following sans évoquer le jeu le plus évident des scénaristes, à savoir créer une armée de followers sur Twitter ? Tout est mis en place pour que le spectateur soit accro à la série, on l’a vu, l’addiction est souhaitée. Pourtant, la sauce ne prend qu’en partie : plus les épisodes passent, moins elle est forte. D’où la lente déchéance évoquée en titre de cet article.
C’est que la série repose finalement toujours sur les mêmes enjeux, les mêmes ficelles, les mêmes schémas et tombe même dans le panneau des clichés. Par la notion de clichés, je pense surtout au couple Max/Mike, prévisible et insipide à souhait dès leur rencontre et auquel la saison 3 fait encore un peu plus de mal que de bien. Suivre des schémas simplistes n’est pas forcément mal, c’est parfois réussi, mais c’est dommage d’une série qui proposait un pilote original et plutôt subversif.
La fin ouverte de la série semble être un appel, un cri de ralliement pour les fans. Elle est tellement ouverte (à la va-vite) qu’elle donne l’impression que les scénaristes ont voulu tester l’influence de leur fanbase à l’ère des renouvellements sur Netflix et Hulu. Mauvais pari : la qualité d’écriture n’y est plus et personne ne peut en être totalement dupe. La série doit être consommée dans un binge–watching vraiment rapide pour que l’effet addictif prime sur la déception : plus on prend du recul sur la série, plus elle apparaît pleine de lacunes béantes. La fin ouverte, en revanche, est appréciable en elle-même. Elle permet d’imaginer un peu la suite que l’on veut et correspond mieux au personnage de Ryan, auquel une fin heureuse n’irait pas. L’imaginer protéger sa famille de loin en continuant de tuer tous les méchants ? Peut-être la meilleure proposition de la série depuis bien longtemps. Après tout, le meilleur épisode de la saison établit Ryan comme un nouveau Joe.
Un jeu attendu
Finalement, plus les épisodes passent et plus l’on attend un jeu convenu (et donc décevant car le début était surprenant) de la part de la série. Les retournements de situation ne sont plus vraiment des surprises. Ceux qui le sont encore font sourire. Le cliffhanger de la saison 1, par exemple, est prévisible à souhait, prévisibilité révélée même dans la réplique finale de Molly : « You were always my chapter, Ryan, Joe promised me ». C’est d’ailleurs la dernière référence aux fameux chapitres prévus par Joe, qui ont rythmé la saison 1 avant de disparaître. Dommage, c’était un élément constitutif de la série qui avait le mérite de fonctionner et d’expliquer sans prise de tête les motivations des followers. Par la suite, les scénaristes ne s’embarrassent plus et ne cherchent plus vraiment de mobiles aux meurtres de leurs personnages.
Les scénaristes s’amusent à semer des indices sur le futur de la série, mais le font de manière grossière. La mort d’Emma est par exemple annoncée par Claire dès la saison 1 elle veut être celle qui tue cette ex-nourrice. L’épisode Silence est dépourvu de tout suspens à partir du moment où Emma raconte ce qu’elle pense de la mort : il est évident que c’est son dernier épisode, tant tous les signes sont réunis pour indiquer aux spectateurs qu’elle va être tuée.
Tout au long de la série, il y a d’ailleurs ces meurtres attendus et disons même destinés, des schémas de vengeance déjà évoqués plus haut. Jacob et Emma, d’abord. L’un devait mourir de la main de l’autre, et les deux le savaient très bien dès la mi-saison. Emma et Claire, Mike et Lily, Mike et Mark ensuite. Sur ce dernier duo, est-il utile de revenir sur l’évidence de leur intrigue, surtout en fin de saison 3 ? La scène de couple entre Max et Mike dans le parking sous-terrain en fin d’épisode ne pouvait mener qu’à ça, et le spectateur n’en attendait pas moins.
Dans cette idée d’un jeu attendu, il faut revenir aussi sur certaines intrigues laissées en suspens dans le dernier épisode qui en deviennent presque frustrantes. Pendant quinze épisodes, on s’attend à découvrir que Gwen est la grande méchante de la saison – avec des répliques malhabiles évidentes où le personnage cherche à faire avouer leurs mensonges aux gentils et à glaner des informations qu’elle n’a pas à avoir. Et pourtant, rien n’est révélé dans cette saison 3.
Un jeu de références
Pour s’assurer le suivi des spectateurs, les scénaristes s’amusent à glisser de nombreuses références à saisir. Rien de nouveau : c’est l’apanage de plus d’une série depuis Lost et (notamment) ses chiffres maudits présents un peu partout (et au-delà d’elle-même, avec leur reprise dans Once Upon a time).
Les références à Poe vont parcourir l’ensemble de la première saison, dans des dimensions en fait toujours très minimes. Pas besoin d’avoir lu les œuvres de l’écrivain pour comprendre la série, mais le prolongement proposé est tentant : l’idée est de pousser les spectateurs à lire pour prolonger le plaisir de la série. Les meurtres s’inspirent de l’œuvre de Poe et les scénaristes cherchent à faire croire que le jeu de Joe Carroll peut être décodé si l’on lit Poe.
Le problème, c’est que ce n’est pas le cas. Certes, on emmure une femme et on en enterre vivante une autre. Certes, les femmes ont beaucoup moins de chance de survivre dans cette série, comme dans un bon livre de Poe. Au-delà de ça, néanmoins, pas de décryptage mystique permis par l’œuvre de Poe.
Le jeu de références se perd dans la suite de la série. En saison 2, il devient références bibliques, parce que Joe Carroll a les initiales de Jésus-Christ et parce qu’on nous présente une secte qui se rallie au pouvoir de Joe car… Ah oui, car rien du tout, justement.
En saison 3, il est rapidement fait par le premier épisode, qui propose des auto-références. Là encore, il s’agit de surenchère de rythme, qui ne mène nulle part. D’ailleurs, aucune crédibilité non plus dans Mark mettant en scène les anciens meurtres marquants de la série… Il n’y a même pas assisté ! Le jeu de référence est ensuite totalement absent jusqu’à l’épisode 10. Les dernières paroles de Joe Carroll sont une référence directe au poème célèbre de Poe, The Raven. Dans cette scène d’exécution, on aperçoit ce qui aurait pu être une vraie force de la série : le charisme de Joe est transcendant dans ce dernier Nevermore.
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En d’autres termes, The Following est l’histoire d’une déception. Les scénaristes surprennent dans le pilote en tordant le cou aux conventions, puis en proposant des personnages à la qualité d’écriture vraiment surprenantes (Claire en saison 1, Joey, Jacob, les jumeaux…). Malheureusement, le manque de crédibilité vient détruire cette réussite et certains personnages connaissent une évolution tout simplement catastrophiques. Claire est de ces personnages : une saison 1 parfaite, une saison 2 où elle n’est que l’ombre d’elle-même et où on est heureux de la voir partir…
Bref, The Following débute sur de bonnes bases et tombe petit à petit dans la médiocrité pour s’achever sans proposer de fin fermée, après une lente déchéance qui ne laissait que peu d’espoir de renouvellement… Dommage !
Cette série reste à conseiller pour ceux qui cherchent un peu d’adrénaline et d’addiction sans prise de tête, et c’est tout. Je n’en décrochais pas en la visionnant d’une traite, mais seuls les défauts en ressortent aujourd’hui avec le recul… Disons que ça se regarde et que c’est sympa, sans plus.
Bravo pour la production de ce Blog.
Tout est parfaitement exécuté.
Comme je les aime !
Une bonne journée à vous !
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Oh, merci beaucoup ! 🙂
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