C’est un excellent début. Ce n’est pas parfait, car j’ai senti une ou deux petites longueurs sur certaines scènes de l’épisode et parce que je trouve parfois trop schématiques les oppositions qui se dressent entre les personnages secondaires et les personnages principaux, pour s’assurer de la perfection des personnages principaux avec le message que veut faire passer la série, mais ce sont vraiment des points de détails à ce stade. L’ambiance, les idées, le scénario, le casting… C’est un vrai plaisir de découvrir cette série !
Spoilers
La vie d’Elizabeth Zott, célèbre présentatrice TV… avant qu’elle ne soit présentatrice.
Don’t forget to smile from time to time.
Mamamia, l’épisode commence directement par une plongée dans l’univers télévisuel de son personnage principal – loin de ce que j’imaginais comme début. La première scène est un large plan séquence de près de deux minutes qui suit l’arrivée dans le studio de l’héroïne de la série, Elizabeth. Si l’on ne voit pas immédiatement son visage, cette scène a déjà tout ce qu’il faut pour être culte : les fans qui l’attendent, les décisions prises en un quart de seconde pour son émission culinaire, le producteur qui lui demande de sourire de temps en temps (tu m’étonnes que Brie Larson se jette sur le script après tout ce qu’elle s’est prise dans la tronche en tant que Captain Marvel !) et toute l’effervescence du tournage de l’émission en public… C’est juste génial.
Le plan séquence s’arrête donc sur un regard caméra qui nous introduit Elizabeth. Il ne faut alors que quelques secondes pour établir son caractère et le ton de son émission : son producteur veut qu’elle fasse de la pub pour des boîtes de conserve ? Très bien, elle la fait, avant de démolir la soupe pleine de produits chimiques qu’elle contient et qui ne manquera pas de tuer la famille de ses téléspectatrices, des ménagères prêtes à prendre des notes sur les recettes que proposera Elizabeth. Eh, je les comprends ! Elle a un ton professoral et une assurance qui donne envie d’aller faire des lasagnes, pour de vrai. On enchaîne ensuite avec le générique – un vrai générique, que j’aime beaucoup. Et comme prévu, ensuite, on repart en arrière pour savoir comment elle en est arrivée là.
Sept ans plus tôt
La série introduit d’abord un personnage d’homme très sportif – au milieu d’un lac, puis en train de faire son jogging. On le voit qui court jusqu’à un immeuble devant lequel Elizabeth se gare justement. Et là, la claque est violente : l’arrivée au travail d’Elizabeth dans ce laboratoire est bien différente de ce qu’elle sera quelques années plus tard. Elizabeth n’a pas un chignon impeccable et n’est pas spécialement attendue par ses collègues.
En fait, elle arrive avant eux et se fait harceler par une autre femme qui souhaite faire d’elle une femme potiche plus qu’autre chose – en l’inscrivant à un concours de miss indépendamment de son niveau d’étude (encore que, l’un n’exclue pas l’autre, hein, mais dans les années 50, si). Et cette femme ne semble pas vraiment comprendre ce que signifie le « non » clairement énoncé à plusieurs reprises par Elizabeth.
L’homme qui courait ? Il s’agit du Docteur Evans, mais bon, son titre n’est pas le plus important aux yeux des scénaristes apparemment. Non, le plus important, c’est de nous montrer ses fesses quand il se douche dans son laboratoire. Franchement, c’est de la nudité parfaitement inutile à ce stade de la série, mais bon, plaisir des yeux – et on voit l’audience que la série vise.
Bon, en tout cas, le docteur Evans est une sorte de rockstar dans le laboratoire. Il s’attire donc la jalousie et les moqueries de tous les hommes du labo, des collègues d’Elizabeth. Et même s’ils sont collègues, le sexisme va bon train. Il est assez clair qu’elle est plus douée qu’un grand nombre d’entre eux, mais bon, c’est une femme alors elle doit bosser deux fois plus pour atteindre deux fois moins, surtout dans les années 50. Elle est considérée comme une assistante par eux tous, se charge du ménage et subit les moqueries elle aussi.
Pourtant, elle rêve d’une carrière glorieuse, au point d’envisager de postuler au même prix que le docteur Evans. Lui, ça le soule de le faire. Elle, elle en rêve. On la voit donc faire de longues heures supplémentaires la nuit au laboratoire pour s’entraîner. C’est particulièrement efficace comme introduction de personnage, je trouve, et tout ce début de série me plaît déjà beaucoup.
Il faut dire qu’il y a tout pour me plaire, avec des personnages aux enjeux clairement définis et qui se croisent sans jamais se voir : Evans arrive en même temps qu’Elizabeth au labo, ils partagent la même cafétéria, elle a besoin de fouiller dans ses affaires la nuit… mais non, ils ne se croisent pas. En revanche, si Elizabeth ne le croise pas, il y a une assistante pour la voir et la dénoncer aussitôt à la direction.
Oh, Elizabeth se défend comme elle peut, expliquant qu’elle a son master et est une chimiste elle aussi, même si elle n’a pas le diplôme. La défense n’a que peu d’effets sur son patron : il ne la considère pas assez intelligente pour effectuer le travail qu’elle souhaite faire et lui demande plutôt de rejoindre le concours de miss organisé. Oh, il n’est pas obligatoire, mais eh, c’est la culture de la fac où elle bosse (c’est une fac, pas vrai ?). Bref, l’angoisse pour cette major de promo. Pour couronner le tout, on lui demande de sourire plus. Eh, ça fait grincer des dents, vraiment.
Concours
Elizabeth finit donc par être inscrite de force au concours, avec une photo prise par la secrétaire l’ayant dénoncée en cadeau. Elle rencontre également Evans, dans une scène qui ne pouvait que faire des étincelles, puisqu’il n’apprécie pas de savoir que quelqu’un est entré dans son laboratoire pour lui voler un ingrédient. La dispute entre eux est inévitable et est vite expédiée, surtout qu’il est sûr qu’elle n’est qu’une secrétaire.
Seulement voilà, quand il engueule sa propre secrétaire et lui demande de renforcer la sécurité, il apprend que Miss Zott a un master en chimie, et d’un coup, sa vision du monde semble changer un peu. Cela n’empêche pas qu’il a sa réputation de loup solitaire et qu’il n’est pas très aimé de tous. Pourtant, il décide de se rendre au concours de miss, une première pour lui. Ben oui, on force Elizabeth à y participer parce que c’est la culture de l’établissement, mais lui, il n’a pas besoin de se conformer à ce genre d’événements sociaux. Evidemment.
Il y participe toutefois, juste pour revoir Elizabeth. Elle est loin d’en être ravie, par contre, et elle n’hésite pas à le critiquer devant son fan-club de femmes plus vaniteuses et attirées par lui pour son physique que pour son intelligence. C’est un peu cliché comme manière de dresser les femmes entre elles, en revanche ; les collègues d’Elizabeth manquent un peu de subtilités et de nuances dans l’écriture. On est vraiment dans le club des pompom girls obsédées par l’apparence, et ce n’est pas un cliché exceptionnel pour une série qui se veut féministe par ailleurs. Après, il faut bien dresser les oppositions entre les personnages pour qu’Elizabeth sorte du lot.
Et pour sortir du lot, elle sort du lot : elle refuse d’imaginer qu’elle se mariera quand on lui pose la question, elle déteste les talents proposés par ses concurrentes et elle décide même de se barrer en plein milieu du show quand son boss lui fait des réflexions désagréables sur son manque de sex-appeal. C’était quelque chose. Et c’est là que le destin intervient : au moment de partir, elle tombe sur le Dr Evans, celui qui les fait toutes fantasmer, et il lui… vomit dessus ?
Il fait en effet une crise d’allergie à cause du parfum de Nancy Donatti et a besoin de partir bien vite lui aussi. Seulement, voilà, il n’est pas en état de rentrer chez lui. Elizabeth se propose donc de le ramener, ce qu’il ne comprend pas, parce qu’elle le déteste. Ah, c’est si parfait comme rencontre. On est dans la romcom de base à ce stade. Elle le ramène chez lui et la glace est brisée entre eux assez vite. Il s’excuse d’avoir imaginé qu’elle était une secrétaire – pourtant, il n’y a rien de mal à ça – et elle finit par lui expliquer qu’il s’excuse pour les mauvaises raisons, ne se rendant pas compte qu’il prend tout pour acquis et qu’il n’est qu’un homme fragile.
À ce stade, ça semble s’écrire tout seul tant c’est simple comme mise en scène. Il s’excuse une nouvelle fois, lui explique qu’il était au concours juste pour lui apporter l’ingrédient qu’elle avait voulu voler, puis il lui demande le talent qu’elle aurait montré – de la chimie, évidemment. Et de l’alchimie, il y en a entre eux, c’est évident. Toutefois, Elizabeth rentre vite chez elle et on en reste là pour l’instant.
Calvin
Comme nous sommes dans une série, il faut aussi une intrigue secondaire qui nous éloigne bien vite de cette intrigue principale. À force de regarder des films, je me rends compte que je suis de plus en plus matrixé et que ça m’embête presque, d’ailleurs. J’aurais préféré continuer sur la même histoire. L’intrigue secondaire nous introduit les voisins d’Evans, et c’est une bonne chose : la voisine, Harriet, maman de deux enfants, est jouée par Aya Naomi King. On découvre qu’elle s’oppose au tracé d’une route qui détruirait son jardin, il y a évidemment un fond de racisme dans ce projet, mais Evans est un allié qui accepte de s’occuper de ses enfants en babysitting.
Vraiment, il est loin de l’arrogant connard qu’on l’imaginait être. Et ça ne fait que continuer dans la suite de l’épisode, évidemment. Après une scène où Elizabeth est terrifiée par son boss qui la renvoie, en flashback, à ce qui ressemble fort à une agression sexuelle quand elle était étudiante (arf), nous retrouvons donc Evans et Elizabeth à la cafétéria. Et bordel, ça donne faim ! En effet, Elizabeth a préparé des lasagnes, pour la 78e fois, et ils ont l’air absolument parfaits.
Ce n’est pas son avis : elle n’aime pas trop l’émulsion du fromage – mais franchement, la chimie et la cuisine, ce ne sont pas mes domaines de prédilection. J’aime manger, m’enfin, je ne suis jamais les recettes à la lettre, alors m’imaginer entrer dans le détail à ce point… Nope, non merci, très peu pour moi. En tout cas, ça fascine Evans de découvrir ce passe-temps pour Elizabeth. Parce que oui, ce n’est qu’un passe-temps : son cerveau brillant est utile ailleurs, quand elle cherche à comprendre comment on passe d’une soupe d’atomes à des interactions sociales complexes.
Très vite, les deux personnages se découvrent donc un important point commun et passent dès lors bien des midis ensemble. Elizabeth fait la cuisine chaque jour (bonjour la charge mentale) et mange avec Evans, parlant de recherches scientifiques. C’est intéressant de voir que ça se fait bien naturellement. Ce qui n’est pas naturel pour Evans. Calvin Evans, autant lui donner son prénom maintenant qu’il est amoureux d’Elizabeth et qu’il est important pour elle aussi.
Il l’est suffisamment pour qu’elle ose lui expliquer ce qu’est le sexisme et pourquoi elle ne peut être une scientifique de renom à cause de son sexe qui l’empêche de gravir les échelons. Non, elle se contente de devoir préparer du café pour les scientifiques de son laboratoire… Cela gêne grandement Calvin qui propose aussitôt à Elizabeth de parler à leur boss pour qu’elle se retrouve à bosser pour lui. L’idée ? Elle bosserait avec lui officieusement, suivant ses recherches comme elle l’entend puisque ça aide celle de Calvin, mais sur le papier, officiellement, elle serait toujours technicienne de labo.
Vinyle
Calvin insiste toutefois pour dire qu’elle pourrait en définitive publier en son nom ses recherches, changeant alors les yeux du monde à son égard. Elle accepte donc… Et les deux se rendent compte que changer le monde n’est pas si simple : Donatti, le patron (et donc le mari de Nancy, je suppose ?), n’apprécie pas trop de voir Calvin lui imposer sa décision (et lui faire au passage un cours sur le sexisme) alors il le menace de le virer en cas d’échec de son projet ; Miss Frask, la secrétaire en cheffe en charge du concours et du labo de Calvin, est obligée d’expliquer à Elizabeth que Calvin voit sûrement en elle autre chose qu’une simple collègue.
Le pire ? Elle a raison : c’est évident qu’il y aura plus que des relations de travail entre eux. Cela dit, l’un comme l’autre feint face à l’autre que tout s’est bien passé. Aussi déterminés soient-ils à faire en sorte que tout se passe bien, ce n’est toutefois pas le cas : la cohabitation dans le même laboratoire est difficile pour eux. Ils n’aiment pas la même ambiance de travail, dirons-nous. Toutefois, ils prennent le temps de communiquer sur ce qu’ils aiment l’un et l’autre. La scène est vraiment sympa quand Elizabeth se lance à expliquer qu’elle aime une musique prévisible, contrairement à Calvin. Celui-ci prend donc la décision, le lendemain, d’alterner les vinyles qu’ils écouteront. Ah, c’est sexy le compromis, non ? Plus que le slip qui traine dans son laboratoire, en tout cas. Nous suivons donc les personnages qui apprennent à travailler ensemble, à avoir des intentions l’un pour l’autre, à se corriger l’un l’autre… À devenir partenaires, quoi.
Assez vite, Elizabeth se rend compte qu’elle est en train de craquer pour lui, par contre. C’est assez évident, et ça se voit à son sourire niais autant qu’au fait qu’elle finit par cramer son dîner quand elle est au téléphone avec lui. Elle est de plus en plus dérangée quoi, et ça finit mal : le lendemain, Calvin débarque au laboratoire tout heureux d’avoir fait une percée dans ses recherches pendant qu’il courait. Il ferme donc la porte derrière lui, et c’est une mauvaise chose. Elizabeth se sent aussitôt mal et est forcée de partir en courant de la pièce, expliquant que c’était une mauvaise idée de bosser ensemble. Et clairement, Calvin ne peut pas comprendre ce qu’il se passe. Ah, c’est frustrant, et c’est 100% le cliffhanger de l’épisode.
Lasagnes
Sept ans plus tard, on en revient alors à l’émission de télévision vue en début d’épisode. Elizabeth y préparait des lasagnes… Et pour la première fois à la télévision, Elizabeth a cramé quelque chose. Toute la foule est surprise, mais elle retombe malgré tout sur ses pieds, avec un très joli discours final sur les échecs qui peuvent parfois arriver – en science comme en cuisine. Bordel, c’est un personnage fascinant, et cette conclusion sur les enfants qui doivent mettre la table car la mère a besoin d’une pause ? C’est mieux que Super Nanny !
