12 Monkeys, une bonne surprise qui a mis le temps

Salut les sériephiles, initiate the splinter sequence !

EDIT : Les critiques de la saison 4 sont aussi disponibles sur le blog

Dimanche dernier, j’ai publié mon article sur la saison 3 de 12 Monkeys car oui, ça y est, je suis à jour dans la cinquième série de mon Challenge Séries 2017. On fait ce qu’on peut, mais je reconnais que c’est toujours mal parti, surtout que cette semaine c’est surtout la reprise de toutes les séries et le début de certaines nouvelles aussi.

Image result for 12 monkeys
Oui mais non, Jennifer !

Je me suis rendu compte que je n’en avais pas beaucoup parlé sur le blog, en-dehors de mes trois articles sur chaque saison, alors c’est l’occasion, parce que ce visionnage a été une bonne surprise. Pourtant, je commençais mal avec cette série : en 2015, j’avais commencé les premiers épisodes et arrêté bien vite. C’était tout simplement décevant, je trouve. La série manquait de clarté, les acteurs principaux n’étaient pas toujours au point et surtout, surtout, on ne voyait pas où ils voulaient en venir.

Image result for 12 monkeys
C’est quoi ce putain de titre sérieusement, y a pas un singe dans la série ?

Le début de la saison 1 rajoute une couche à tous ces défauts avec quelques paradoxes temporels qui ne tiennent pas. Le problème, c’est que la série traitant principalement de voyages temporels, le minimum serait d’être attentif à ce point-là. Elle finira par le faire petit à petit, mais j’ai décroché lors de mon premier visionnage et ça a failli m’arriver encore cette année.

La série raconte l’histoire de James Cole, un voyageur temporel venu du futur jusqu’en 2015 pour empêcher la propagation, grâce au docteur Cassandra Railly, d’une épidémie qui va mettre à mal la race humaine et tuer à peu près tout le monde – sauf une poignée d’irrésistibles gaulois immunisés qui décident de faire un détour dans le passé pour tout changer… En théorie.

Image result for 12 monkeys
Katarina Jones, fait de la merde temporelle depuis 2046 ; mais ça fait plus longtemps que ce qu’on pourrait penser depuis notre 2017.

Assez vite dans la série (oui, ça veut dire spoiler alert quand même), on découvre que les apparences sont beaucoup plus simples que la réalité où bien évidemment ces retours en arrière d’un personnage du futur ne fait que provoquer des remous supplémentaires. C’est très sympathique à suivre et la série fait les bons choix quand elle s’attarde sur des personnages comme Jennifer ou le Témoin, qui s’en tirent bien mieux que le couple principal niveau jeu d’acteur.

Image result for 12 monkeys

Plus la série avance, plus il est sympathique de découvrir ses mystères et la direction globale prévue à l’avance. Chaque pièce du puzzle s’emboîte très bien jusqu’au cliffhanger de la fin de saison 3 qui nous retourne le cerveau une nouvelle fois.

Image result for 12 monkeys

Parce que oui, la série a l’habitude de retourner le cerveau passer la première moitié de saison 1, se transformant peu à peu en bonne grosse histoire de famille. Cela n’est pas franchement une surprise, parce que les séries de science-fiction aiment bien partir dans ce délire-là en général. Est-ce que ça tient la route ? Et bien, oui.

Image result for fringe walter peter
Grande sœur Fringe approuve.

D’une part, nous apprenons en fin de saison 2 que le Témoin n’est autre que le fils de Cassie et James, puis en fin de saison 3 que Jennifer serait vraisemblablement la mère de James. Bientôt, nous apprendrons que Katarina est la petite-fille d’Athan et la boucle sera bouclée. Plus sérieusement, les cartes de la série sont redistribuées chaque saison et ça donne envie d’enchaîner les épisodes, ce que SyFy a bien compris en diffusant la saison 3 en trois jours.

Image result for 12 monkeys cassie
Le résumé des fins de saison, directement dans la série.

Vivement l’été prochain maintenant ! Et dans le fond, le titre de la série reste quelque peu mystérieux, vivement qu’on l’éclaircisse à 100%.

Image result for 12 monkeys logo

Person of Interest : du Bad Code au God Mode

001

C’est triste, mais il faut bien s’y résoudre : Person of Interest est désormais terminée, nous n’aurons plus jamais un seul inédit à nous mettre sous la dent. Il est donc (déjà) l’heure de faire un grand bilan/analyse sur la série et de se demander ce que l’on retiendra de POI.

Cet article est un peu dans la même veine que celui que j’avais écrit sur The Following, il s’adresse avant tout aux grands nostalgiques (de maintenant… ou qui passeront dans un an). En ce qui me concerne, je n’ai commencé la série qu’en mars et autant dit qu’avoir englouti autant d’épisodes en si peu de temps, ça marque. Il fallait bien que j’en parle.

Dans cet article, je reviens donc sur les cinq saisons de cette série et j’essaye de montrer pourquoi la série m’ennuyait tant à ses débuts (Bad Code) et comment elle est devenue aussi parfaite sur sa fin (God Mode). C’est donc une méga-synthèse des différents articles que j’ai déjà pu rédiger sur la série (vous trouverez les liens dans l’article, n’hésitez pas à y jeter un œil si vous êtes vraiment en deuil de la série), à l’exception bien sûr de l’article marathon, qui n’est jamais qu’un jeu (d’alcool).

 Oui, l’article va évoquer les cinq saisons et les ultimes minutes de la série, mais j’indiquerai au fur et à mesure des paragraphes les saisons dont il est question, pour éviter les spoilers 😉

00.jpg

Une lente mise en place

Person of Interest a débuté en septembre 2011, dix années tout juste après les terribles attentats du 11 septembre et l’obsession sécuritaire qui s’est emparée des États-Unis, marquant profondément le pays. Il n’est pas donc si étonnant de voir cette série sur une machine surpuissante débarquer à la télévision américaine, dans un contexte qui en fait une Machine (avec la majuscule s’il vous plaît) capable de protéger les citoyens. Bon, on ne va pas se mentir, si vous n’avez jamais regardé la série, il est temps d’arrêter votre lecture. Pour les autres, on va pour l’instant longuement parler de la saison 1, parce que c’est un peu la base, accrochez vos ceintures !

03.jpg

Numbers of the week : un procedural post-attentat

Il faut dire les choses comme elles sont : la saison 1 (dont j’ai commenté les épisodes dans cet article) n’est pas franchement des plus réussies, ni des plus abouties. Les idées sont là, mais la partie science-fiction n’est pas traitée, mise de côté la majorité du temps au profit d’une enquête de la semaine. Il y a bien sûr le suspens interminable et répétitif de savoir si le « client » de la semaine est du côté des gentils (victim) ou des méchants (perpetrator) et il y a quelques trames de fond (Elias, le passé de John) dont les graines sont plantées ici et là au hasard des épisodes. Cependant, aucun doute possible : l’idée n’est pas de prendre la tête du spectateur avec des problématiques complexes, juste de lui permettre de voir une intrigue complétée en quarante minutes, à la manière des Experts ou de NCIS (cette dernière s’étant, elle aussi, complexifiée avec le temps dans des intrigues par saison).

À nouveau, cette obsession de l’intrigue bouclée est assez facilement rattachable à l’obsession sécuritaire post-attentat. Il est cool de se dire que notre destin est surveillé par une Machine et une équipe (un duo, aidé d’un flic corrompu) qui ne perd jamais (ou si peu). Et la série s’enferme là-dedans sur l’ensemble de sa première saison, sans particulièrement chercher à sortir du schéma du procedural, qu’elle maîtrise parfaitement. Oui, mais voilà, elle a le potentiel d’être beaucoup plus que cela, ça se sent, et ça donne une impression de gâchis par moment – et encore plus quand on voit ce qu’elle devient ensuite (mais eh ! j’ai dit que je préviendrais en cas de spoilers, donc hop, passons au paragraphe suivant !).

09.jpg

Des personnages sous-exploités ?

Cela pourrait suffire à servir une série un peu moyenne, mais le problème ce que bien souvent les personnages sont sous-exploités dans la série. Ils sont là, c’est vrai, mais leur personnalité est assez « plate ». Ce n’est probablement pas le bon mot, je devrais peut-être en resté à « convenue ». Ces personnages ne surprennent pas, n’échangent pas vraiment sur leur vie (combien d’épisodes avant qu’Harold et Reese n’entretiennent une relation amicale ?). Carter les traque sans qu’on en découvre beaucoup plus sur elle (jusqu’à cet épisode où l’on découvre qu’elle a un fils qui sera ensuite toujours éclipsé et laissé de côté, un peu comme pour Fusco), Fusco justement n’est qu’un flic corrompu pris dans un engrenage qui le dépasse totalement, John est le super-héros américain que rien n’arrête et qui réussit toujours tout ce qu’il entreprend (y compris la drague, sinon c’est pas drôle) et Harold est le plus mystérieux, mais est souvent réduit au personnage du geek. Le vrai problème dans tout ça, c’est que les personnages n’ont que peu l’occasion de se rencontrer et le sentiment d’équipe n’est du coup pas du tout créé au cours de cette saison : nous avons des loups solitaires avec une mission commune, mais ça s’arrête là.

Lors de rares occasions, les personnages se voient un peu plus développés, le plus souvent par des cliffhangers ou le retour de « réguliers », comme Zoe Morgan. Seulement, ça ne dure jamais plus d’un épisode, la série fait souvent marche arrière. Ce qu’il manque surtout, c’est un enjeu un peu plus grand que le numéro de la semaine et des dialogues bien travaillés… Ce qui arrive ! Attention, nous allons maintenant passer à la fin de saison 1… et début de la 2.

23.jpg

La mise en place de la sérialité : comment Root a sauvé la série

Le premier épisode qui introduit Root dans Person of Interest est très mystérieux : il ne s’agit alors que d’une hackeuse particulièrement douée qui connaît l’identité d’Harold… et qui est oubliée pendant un peu moins d’une dizaine d’épisodes après son introduction. Elle revient enfin pour le dernier épisode de la saison et en constitue le twist final, qui laisse John perdu dans la rue à décrocher le téléphone à la place de la Machine. Je ne sais pas bien si c’est conscient de la part des scénaristes, mais dès lors le personnage de Root devient iconique : sans être méchante, elle parvient à mettre nos héros si parfaits en échec. Et c’est tout ce dont avait besoin la série : un antagoniste à la hauteur, mais vraiment à la hauteur.

Avec elle, Root introduit surtout une grosse part de la mythologie de la série. Elle prend la Machine pour une déesse, la considérant comme une entité à laquelle on peut parler et dont on peut se servir – ou plutôt dont elle peut être le corps. Les premiers épisodes de la saison 2 (commentés par-là) sont plein de concepts autour de la Machine et du fameux « bad code », qui permettent de totalement changer la dynamique de la série… et surtout d’en faire une série, avec des épisodes qui se suivent (les deux premiers de cette saison notamment). Cette sérialité nouvelle permet aussi de développer au mieux les personnages, notamment Finch qui se voit attribuer un passé romantique.

Malheureusement, les producteurs ont vendu un procedural et c’est donc à cette forme qu’ils se tiennent. Attention, il n’y a théoriquement pas de mal à faire un procedural, c’est juste pas du tout mon type de série et, du coup, pas du tout les meilleurs moments de la série. Oui, sauf que les scénaristes semblent être un peu de mon avis et chaque fois que Root revient c’est en amenant avec elle un humour que la série n’a pas habituellement et tellement, tellement de bons moments qui transcendent les intrigues de la semaine qu’on nous sert habituellement. Dit autrement : elle sauve littéralement la série de l’ennui et de la routine dans lequel elle s’était installée malgré elle, au même titre que Zoe Morgan et Leon Tao… mais seulement elle le fait mieux, parce qu’elle parle à la Machine, parce qu’elle a son God Mode et que la Machine semble la comprendre et lui répondre…

Dans la suite de l’article, je vais traiter des saisons 2 et 3, vous êtes prévenus, arrêtez-vous si vous n’êtes pas à jour.

19.jpg

Faire de la Machine un personnage

Ce sont au cours des saisons 2 et 3 que la série parvient à accomplir ce qu’elle avait toujours tenté de faire sans jamais y parvenir : devenir une série suivie, tout en gardant assez le format du procedural pour continuer de convaincre la chaîne. Tout cela se fait parce que la Machine n’est plus simplement une entité neutre qui nous permet d’accéder au passé, mais parce qu’elle devient peu à peu un personnage central d’un show qui se réinvente.

08.jpg

Tirer un trait sur le passé

Cependant, pour parvenir à se réinventer de la sorte, la série a dû faire quelque chose de bien difficile : tirer un trait sur le passé. Cela a commencé par les disparitions de Zoe et Leon, ou plutôt par leur absence de plus en plus prolongée. Puis, toute une intrigue s’est terminée autour du passé de John, sans crier gare. La série s’est peu à peu développée pour devenir autre chose, grâce à Root et au développement qu’elle a apportée concernant la Machine. La Machine est en effet devenue un personnage à part entière, avec ses caprices et bugs. La série était donc prête pour l’introduction d’un nouveau personnage, de la manière la plus étrange qui soit : un épisode spécial.

Le 2×16 nous présente donc le personnage de Sameen Shaw, qui s’apprête à devenir l’un des éléments-clé de la composition de la série. Cet épisode se centre uniquement sur son personnage, introduisant relativement tard en son sein les personnages principaux. Et surtout, c’est un épisode qui fait en sorte que Shaw rencontre toutes les cartes importantes, y compris Root, dans une scène de torture au fer à repasser absolument magique (je ne pense pas qu’on puisse me contredire là-dessus). Ce nouveau personnage n’est pas immédiatement présenté comme une partie de l’équipe, elle va, elle vient, mais elle est toujours là quand on a besoin d’elle. Elle a son caractère bien trempé et bien à elle, mais aussi et surtout ses répliques cinglantes. Au même titre que Root, elle ajoute une bonne dose d’humour à la série qui en a bien besoin.

Tout cela n’est pas encore tout à fait suffisant pour faire peau neuve. Les scénaristes le savent bien… et ils décident alors de sacrifier le personnage de Carter, tout en marquant la fin de l’intrigue HR. Et ça fonctionne, d’autant plus que tout cela se fait en début de saison (épisodes 8 et 9, commentés dans l’article sur cette déjà bien meilleure saison 3), dans des épisodes généralement totalement banal et pas marquants à ce point. Ces deux épisodes sont absolument dingues et plein de surprises, jusqu’au couple Carter/Reese, qui aurait pu être attendu à une autre époque, mais que je ne voyais même pas ensemble quand il finit par arriver. Bref, avec cette mort violente, la série tourne définitivement la page du passé et se lance à la poursuite d’autre chose… ses racines (pun intended) « mythologiques » et totalement bercées par la SF !

16

Shoot : un fil rouge efficace

Le reste de la saison 3 et le début de la 4 (attention spoilers et commentaires sur la saison 4) a alors été marqué par un relatif retour à la normal. Les enquêtes reprennent assez vite leur banalité une fois le meurtre de Carter élucidé. Oui, mais dès l’épisode qui suit cette fusillade imprévue en pleine rue, Shaw et Root reprennent leur flirt de manière plus flagrante encore que lors de leur rencontre autour d’un fer à repasser. Cela fait déjà une dizaine d’épisodes que ça dure, mais ça s’accélère quand il s’agit de venger Carter. La scène est marquante, Root avec ses deux pistolets, aidée de la Machine et encadrée par Fusco et Shaw… La série possède là une nouvelle base hautement sexy et beaucoup plus scénarisée à long terme.

Oui, Person of Interest décide de nous montrer deux personnages de femmes fortes qui, en plus, en pincent l’une pour l’autre, dans une relation toujours esquissée de manière subtile dans des dialogues de drague un peu lourde aux moments les plus inopportuns. À partir de là, l’attache aux personnages est totalement différente de ce qu’elle avait pu être auparavant : les interactions et dynamiques prennent le dessus sur les missions à de nombreuses reprises. Dorénavant, on assiste aussi à une évolution des relations entre les protagonistes de la série, qui ne se contentent plus de sauver simplement leur numéro du jour… Surtout en début de saison 4 où chacun est séparé et vit sous couverture.

En d’autres termes, le couple Shaw/Root devient un fil rouge que l’on retrouve dans une majorité d’épisodes et qui a une importance toute particulière, aux côtés des développements qui voient le jour avec Samaritan. Parce que, oui, avoir des personnages forts qui interagissent enfin ne suffisait pas et les scénaristes ont su renouveler la série avec un nouvel ennemi qui allait aider à définitivement renverser les bases de la série et la faire rentrer dans sa maturité la plus totale et la plus cool. Le renouvellement se fait aussi par ce principe des couvertures que doivent assurer les personnages et qui fait que seule la Machine reste un personnage inchangé en début de saison 4. Elle permet la transition vers une série très différente, avec une nouvelle base et un nouveau QG.

11.jpg

La première simulation 

Cette intrigue et ce fil rouge nous amènent en effet à l’écriture du meilleur épisode de la série – ou en tout cas d’un des meilleurs, le 4×11. En effet, au cours de celui-ci, l’équipe Machine se retrouve dans une situation intenable lors de laquelle tout espoir semble perdu d’avance. Root demande alors l’aide de la machine qui va calculer tout un tas de simulations pour tenter de sauver ses alliés. Cet épisode démontre toute l’évolution de la série de la meilleure des manières possibles : la Machine est notre point d’entrée dans l’épisode. C’est le personnage principal de l’épisode, celui dont nous suivons le point de vue, de scènes en scènes, découvrant son désespoir de ne pouvoir gagner comme lors de cette partie d’échec contre Harold et son humour particulier (le baiser entre Root et Fusco).

Mieux encore, la simulation permet l’étude des relations humaines développées comme jamais avant dans les quatre saisons : la relation père/fille entre Harold et sa Machine, le couple Shoot, la relation de Reese avec ses co-équipiers, la place particulière de Fusco, tout est étudié minutieusement dans les simulations de la Machine.

Le calcul des probabilités nous fait trembler en tant que spectateurs car l’on sent bien que cet épisode n’est pas comme les autres : c’est la première fois qu’on découvre autant le fonctionnement de la Machine et la menace plane tout au long de l’épisode. Cela nous mène inévitablement à l’une des scènes les plus atroces (aux côtés de celle de la mort de Carter) où Shaw se sacrifie pour sauver l’équipe, après avoir finalement cédé aux avances de Root. Inattendu baiser attendu pendant des heures, cette scène nous retire tout le plaisir de voir ces deux personnages enfin ensemble et commence une ère bien sombre pour la série.

01.jpg

« We might as well be a symphony »

Alors que la série a pris un temps monstre à se développer pour devenir autre chose, les audiences n’ont cessé de chuter. C’est peut-être pour ça que les scénaristes décident étrangement de faire ce qui s’apparente à une marche arrière dans la deuxième partie de la saison 4…

17.jpg

L’interminable recherche de Shaw

Interminable est un euphémisme à ce stade ! Root passe deux ou trois épisodes à ne chercher que Shaw, révélant un côté vengeur qu’on ne lui connaissait pas encore si développé et gagnant définitivement le cœur des fans quand ce n’était pas encore fait. Oui, mais voilà, l’actrice est enceinte et ne peut pas revenir de sitôt. Samaritan la garde donc en otage et nous n’en saurons pas plus. Quant à Root, il est évident qu’elle continue à la chercher et à servir la Machine jusqu’à ce qu’elle ait ses réponses. Normal.

La recherche de Shaw devient un fil secondaire de la saison 4, qui devient même par moment tertiaire. Nous revenons aux épisodes lambdas sur des numéros sauvés par un John et un Harold qui n’interagissent plus vraiment après la perte de leur(s) alliée(s). C’est extrêmement dur à supporter et regarder quand on sait ce que la série est capable de faire quand elle est en forme. Oui, mais voilà, c’est peut-être aussi un effet voulu de la part des scénaristes, de montrer que les bases de la série ne sont pas oubliées. Surtout, les scénaristes nous sèment des indices, exactement comme au cours des deux premières saisons, indices qui sont destinés à nous mettre sur la piste de ce que sera la dernière saison, qui a elle aussi son article consacré, évidemment.

Alors oui, la deuxième partie de la saison 4 est longue, mais elle permet aussi de se rendre compte des progrès de la série et du caractère essentiel de Shaw et Root dans l’équipe. John & Harold semblent galérer à tous les deux et le conflit avec Samaritan se profilent, étant toujours plus menaçant à l’horizon, horizon qui se rapproche bien vite sur la fin de saison.

04.jpg

Une série qui exploite pleinement son potentiel

Tout cela nous fait arriver au début de la saison 5 dans laquelle la Machine est finalement cassée, non fonctionnelle. La situation se renverse totalement, c’est l’équipe qui s’occupe désormais de la Machine et non la Machine qui s’occupe de les envoyer en mission. Cela fonctionne très bien, malgré l’absence de Shaw toujours. Avoir ce but commun rapproche notre équipe qui sait mener un combat qui ne peut que mal finir pour eux.

C’est dans cette saison 5 que les scénaristes dévoilent tout le potentiel de ce qu’ils ont entre les mains avec l’affrontement de ces deux machines que sont Samaritan et la Machine. L’une et l’autre sont capables de calculs que le cerveau humain ne peut accomplir et permettent donc des simulations qui remettent tout en question et permettent toujours une exploration plus en profondeur des personnages. Le retour tant attendu de Shaw se fait selon ce principe de simulation, nous permettant de découvrir mieux que jamais la vision du personnage et ses sentiments, mais aussi de comprendre la torture qu’elle subit. De simulation en simulation, c’est son réel qui est détruit peu à peu, puisqu’elle se sent perdue dans une suite de simulation. Inception ? Un peu, oui.

Le spectateur est peu à peu perdu lui aussi dans les simulations que subit Shaw. Chacune de ses scènes est surplombée d’un énorme « ET SI ? » aussi désagréable qu’il est brillant. Les scénaristes jouent avec les possibilités, avec les scénarios, avec les personnages et tout cela est purement le « God Mode » qu’on nous vendait en saison 2. Oui, les scénaristes ont atteint le God Mode, ils peuvent nous amener où ils veulent, dans une direction que l’on veut voir (Shoot) pour mieux nous la retirer aussitôt. Tous les personnages se complètent à merveille dans cette saison, les sacrifices s’enchaînent et ne se ressemblent pas. L’ajout des simulations, découvertes en saison 4, à l’écriture de la série fait exploser son potentiel au grand jour.

05.jpg

Le dernier arc : un renouvellement assuré.

La série se lance alors, lorsque Shaw retrouve enfin l’équipe dans un épisode qui paraît presque bâclé après tant d’attente et de simulations, dans son ultime arc. Évidemment, cet arc commence presque immédiatement par la mort de Root, que l’on sentait venir depuis le début de saison, une fin heureuse ne semblant pas trop crédible à la fois pour le personnage et la série. Cette mort permet de donner une voix à la Machine qui devient, encore plus qu’avant, un personnage à part entière du casting, avec ses motivations et ses secrets.

Les derniers épisodes nous révèlent alors que la Machine a mise en place une autre équipe (au moins) constituée des anciens numéros qui furent secourus par Reese et Finch tout au long des cinq saisons. Le renouvellement de la série est assuré : même en cas de défaite, le spectateur sait que la protection et le combat continuent. C’est une trouvaille parfaite, qui permet d’imaginer Zoe et Leon continuer à faire le même boulot de leur côté et de donner un peu d’espoir dans une fin très sombre.

Tout cela se fait sans perdre pour autant de vue les simulations qui ont permis de créer tant de suspens et de grands moments tout au long de la saison 5. Finch envisage d’arrêter définitivement sa machine et de dernières simulations nous permettent de découvrir ce que chacun aurait fait sans l’existence de la Machine, et ce n’est pas bien consolant de savoir qu’ils auraient tous mal fini. Harold désactive finalement son bébé et cela nous permet d’atteindre les adieux ultimes…

Sans grande surprise, le dernier épisode voit la Machine agoniser et l’équipe mener le dernier combat contre Samaritan, avec son lot d’adieux et de rebondissements. John finit par mourir, se sacrifiant pour la Machine, ce qui est la seule issue vraiment possible pour le personnage. Tous les autres terminent sur une note d’espoir : Fusco reprend sa vie et Harold retrouve enfin Grace, une scène que nous ne voyons pas vraiment mais qui est suffisante pour imaginer le bonheur à venir du personnage, dans une vie tranquille, au moins pour un temps. L’ultime combat contre Samaritan est remporté par la Machine et, contre toute attente, celle-ci est parvenue à survivre à sa destruction : le dernier épisode se termine donc sur la résurrection inattendue de la Machine qui contacte aussitôt Shaw. Root voulait être une symphonie avec elle dans l’univers des possibilités, c’est désormais chose faite : la Machine a conservé la voix de Root et contacte Shaw en priorité pour reprendre le travail. C’est la plus belle des fins ouvertes possibles, qui laisse place à la possibilité de spin-offs, remakes et de films, sans pour autant nous laisser frustrés ou dégoûtés.

IMG-20160622-WA0001.jpg

Ce sourire de Sarah Shahi est une conclusion merveilleuse aux cinq années de la série, il représente bien ma réaction à ce final, tout en montrant bien l’évolution de Person of Interest et de ses personnages. Certes, les débuts étaient clairement du Bad Code pour moi, mais il est tout aussi évident que tout cela se termine en God Mode. Ce n’est pas un adieu, c’est un au revoir en attendant la prochaine simulation ou la prochaine fois que je me replongerais dans les meilleurs moments.

 

The Following : une lente déchéance…

02

Dans le pilote de The Following, nous découvrons le personnage de Joe Carroll, professeur de littérature obsédé par l’œuvre d’Edgar Allan Poe qui a commis une série de meurtres. À l’aide des réseaux sociaux et d’un de ses livres, il s’est constitué un solide réseau de “followers”, des fans prêts à tout pour être dans ses bonnes grâces, y compris à tuer et à le libérer de prison. Pour les contrer, l’ex-agent du FBI Ryan Hardy reprend du service.

03

The Following, c’est aussi et surtout l’histoire d’une série à deux vitesses, capable de proposer de grandes choses et l’instant suivant de tout ruiner. En sacrifiant la crédibilité du scénario pour user à tort et à travers des mêmes ficelles pendant trois saisons, les scénaristes proposent une série addictive qui d’épisode en épisode va perdre sa saveur.

                Retour sur trois saisons inégales d’une série qui s’achève avec un goût de frustration : spoiler alert.

 —–

Une série addictive

04

Un rythme effréné

Oui, si The Following est vraiment addictive dès son pilote, c’est parce qu’elle propose un rythme effréné qui ne permet pas aux spectateurs de reprendre leur souffle. Le pilote propose ainsi un jeu avec les codes de la formule du procedural. La formule paraît d’abord respectée : des personnages archétypes (à la limite de l’insipide) sont proposés, deux antagonistes clairement définis, et la victime à sauver présentée. Pourtant, ces conventions plates se font rapidement tordre le cou. Tout dans ce premier épisode cherche à fasciner le spectateur : les références un peu obscures à l’œuvre de Poe, les retournements de situation, l’échec du héros qui paraît bien faible et bien sûr, la révélation des trois premiers followers.

Beaucoup de questions restent sans réponse, mais en même temps, beaucoup de réponses sont apportées : le rythme est effréné parce que les « gentils » sont débordés par les actions permanentes des « méchants » ayant un coup d’avance.

En fait, il se passe déjà beaucoup (trop) de choses dans ce premier épisode. Les retrouvailles des trois premiers followers notamment, surprise finale que l’on attendrait plutôt quelques épisodes plus tard, mais qui vient enfoncer le clou de l’échec de n’avoir su sauver la damoiselle en détresse (parce que c’est quand même de ça qu’il s’agit). Et c’est sans compter sur l’enlèvement de Joey… Là où le spectateur s’attendait à un épisode bouclé, il n’y a que le début d’une histoire très dense. Je profite de cette mention du personnage de Joey pour saluer une excellente écriture du personnage : c’est rare de voir des personnages d’enfants qui ne soient pas qu’agaçants dans les séries.

Ce n’est plus une originalité, mais plutôt une ficelle usée dans toutes les séries : The Following se repose sur des cliffhangers cherchant à s’assurer la présence des spectateurs à l’épisode suivant.

05Une violence permanente

L’autre trait très addictif de The Following, c’est bien sûr sa violence, elle-aussi perceptible dès le premier épisode avec les jolis yeux de Maggie Grace violemment arrachés.

Cette violence va parcourir les trois saisons de la série : chaque épisode de la série présentera au moins un meurtre et de nombreuses scènes s’attacheront à montrer des personnes lambdas dont la vie bascule à cause des followers. C’est le cas par exemple de cette pauvre vendeuse qui se fait kidnapper en saison 1, que l’on voit quelques épisodes enfermée à la cave et qui s’en sort, ou de cette moins chanceuse infirmière en saison 2 qui se fait violemment tuer devant chez elle afin qu’un follower de Lily puisse prendre sa place à l’hôpital et aller libérer le jumeau qui y est prisonnier.

Au-delà de la violence physique, The Following aime aussi s’essayer à la violence psychologique à plusieurs reprises. Outre la vendeuse de la saison 1, prenons le cas du personnage de Mike : simple agent du FBI à la vision du monde manichéenne en saison 1, Mike devient en saison 2 un homme dont les convictions sont ébranlées. L’apogée de cette violence psychologique se traduit par une scène-clé pour le personnage : celle de la mort de son père, exécuté de sang-froid par Lily sans qu’il ne puisse rien y faire. Dès lors, c’est la descente aux enfers pour Mike qui ne s’arrête plus dans son désir de vengeance. La mort de Lily, qu’il exécute de sang-froid, ne lui suffit plus, et il fait de l’arrestation de Mark une vendetta personnelle. La violence psychologique sert donc les cliffhangers et les intrigues de fond, on passe de celle d’un personnage à un autre (de Mike à Mark).

06

Des portraits psychologiques fouillés ?

Elle sert aussi et surtout à proposer des portraits psychologiques fouillés. Outre le personnage de Mike, celui de Jacob tout au long de la saison 1 est peut-être l’une des plus belles réussites de la série.

En effet, c’est bien le seul des followers dont on comprend les motivations – précisément parce que lui non plus ne les comprend pas et est perdu. Le personnage se présente tout en doutes et en contradictions : il a tout du méchant, mais est en même temps toujours prêt à se repentir. C’est le seul à paraître encore humain à bien des reprises, et pourtant, c’est aussi lui qui enseigne à Joey que tuer, c’est facile et bien (autre scène de violence psychologique magistrale). En fait, Jacob est perdu, et il l’est tellement qu’il en arrive à avoir une relation homosexuelle alors qu’il est hétérosexuel ; qu’il n’a pas envie de tuer mais le fait, qu’il veut tuer Emma mais n’y parvient pas. Au contact de Claire, il prend conscience une nouvelle fois de son humanité. Et c’est bien sûr à ce moment-là qu’Emma le tue, car le personnage s’éloigne un peu trop du manichéisme de la série. Portraits psychologiques fouillés et manichéisme ? Non, ce n’est pas possible. Et pourtant…

Autres portraits brillamment réussis, notamment grâce au jeu du (seul !) acteur, ceux des jumeaux Luke et Mark. Bien que les motivations de ces jumeaux restent assez floues, le caractère perturbé mais ô combien différent des deux est un vrai régal. Le twist de la saison 3, avec le développement de la schizophrénie est Mark, est une idée parfaite car l’acteur est capable de l’interpréter avec brio – dans une dimension rappelant presque l’inégalable Tatiana Maslany dans Orphan Black. Les jumeaux représentent donc des méchants aux profils travaillés, certes, mais ils n’en restent pas moins, dès leur conception, des méchants… Paradoxe presque étonnant pour des personnages si fouillés.

Une série pleine de paradoxes

07

Le manichéisme

À trop vouloir justifier les actions des followers en saison 1, The Following parvient surtout à dessiner un manichéisme primaire qui dessert totalement la suite de la série. Il y a les gentils d’un côté et les méchants de l’autre, et l’on bascule définitivement dans ce schéma sans jamais y revenir à partir de la mort de Jacob. Il y a bien Mandy en saison 2, présentée comme le maillon faible de la chaîne de serial-killer, c’est vrai, mais l’écriture du personnage peine à convaincre. Elle doute, mais tue instinctivement, avant de douter à nouveau. Les scénaristes tentent de nous montrer un personnage à la fois fasciné et effrayé, mais l’intrigue ne prend jamais vraiment à cause d’une faute originelle : le premier meurtre est trop soudain pour qu’une dose de crédibilité existe. Le coup de pelle, oui. Le meurtre, non. Partant de là, toute la storyline du personnage tombe à l’eau, car elle est définitivement du mauvais côté de la barrière manichéiste de la série (comme le prouve sa fugue pour retrouver Lily : jamais Mandy ne se trouve du « bon » côté).

Les raisons évoquées de la folie des personnages ne sont que rarement convaincantes et jamais ne sera expliqué en saison 1 ce qui pousse les followers à se ranger derrière Joe Carroll, dont on a peine à croire que le seul charisme suffise. Et il est difficile de se faire une idée sur ce premier livre de Carroll qui déchaîne tant de passions, car il n’est toujours qu’évoqué à demi-mots. Pire : plus la série progresse, moins elle s’intéresse à ses personnages et aux raisons derrière leurs actions, pour s’enfermer dans des schémas de plus en plus simplistes.

En saison 2, il est difficile de croire à cette famille de psychopathes qu’on nous présente très large, mais qui est très rapidement décimée. Leurs motivations réelles sont assez floues. Est-on censés se contenter de la folie de ces personnages ? Inutile de mentionner également la secte de la seconde partie de saison, qui est grosso modo un simple pool de red shirts.  Pour ceux d’entre vous qui ne connaîtrez pas, les red shirts, ce sont les membres de l’équipage de l’Enterprise dans Star Trek, qui passent pas mal de temps à se faire massacrer. En résulte une légende urbaine qui veut que les personnages portant des vêtements rouges meurent dans l’épisode pour souligner le danger d’une action ou d’une scène (ça se vérifie plus ou moins selon les séries, la page Wikipedia en anglais en donne quelques exemples, Lostpedia également avec quelques spoilers Lost, et voici le lien de la page traduite pour ceux qui parlent uniquement français). Pour en revenir à The Following, ces personnages figurants tous en rouge sont uniquement présents pour être tués, et pas besoin d’une légende urbaine pour le voir venir. Ils n’ont absolument aucune autre utilité, j’en veux pour preuve leur docilité face aux disparitions des leurs et le massacre final. En saison 3, on ne sait plus vraiment les raisons qui poussent les méchants à être méchants, ils sont méchants et c’est bien suffisant. À force de proposer des followers, la série en oublie leur intérêt pour leur laisser une simple fonction meurtrière. On s’attache encore à ses personnages plein de faiblesses, c’est sûr, mais on ne sait pas bien pourquoi ils sont si cinglés. Et la saison 3 ne s’embarrasse même plus de leur donner des faiblesses. Elle tombe dans un manichéisme primaire, tout en essayant de faire passer la pilule du gentil devenu le méchant qu’il pourchasse à force de vouloir se venger…

En effet, la série nous présente les gentils et les méchants pendant une saison et demie, puis soudainement réalise que ses gentils sont aussi méchants que les méchants. Mais ils sont gentils, alors ce n’est pas si grave. Que dire du personnage de Ryan ? Antihéros banal, son addiction à l’alcool le rattrape après avoir été effleuré timidement pendant deux saisons. Quelle conclusion offre la saison 3 à cette storyline ? On ne sait pas bien. C’est un gentil, il surmonte son alcoolisme, mais pas sa passion de tuer. Il part seul pour protéger sa famille en se faisant passer pour mort. Ça correspond tout à fait au personnage et offre un ultime sacrifice qui ne laisse aucun doute sur le fait que c’est un… gentil.

La série se veut complexe, mais elle repose en permanence sur des schémas paradoxaux et tristement simplistes. Il y a d’abord le schéma de la vengeance, vendetta personnelles : Ryan veut tuer Joe (et inversement… puis, on ne sait plus bien), Claire veut tuer Emma (et inversement), Mike veut tuer Lily ou Mark (et inversement), etc. Chaque fois ces intrigues reposent sur un « gentil » qui veut se venger d’une action d’un « méchant »… Et bien sûr, c’est le gentil qui gagne. Les méchants ne sont pas en reste pour la vengeance : Lily qui pense que Lue est mort, la mort de Gisèle ou la mort de Kyle en saison 3 sont autant de motifs de revanches personnelles. Autre schéma simpliste et qui n’a rien d’original, mais qui fait quand même les ficelles de la série : derrière chaque grand homme (Ryan, Mike, Joe), il y a une femme (Claire/Max, Emma) : Claire et Max sont le compas moral de Ryan, elles s’assurent qu’il reste du bon côté de la ligne, qu’il soit « clean« . Max assure d’ailleurs ce même rôle avec Mike, et cela est souligné à plusieurs reprises dans la série par cette pauvre Max, notamment lors de cette réplique un peu grosse : « Ok, I have no problem playing good cop/bad cop but only if it’s just playing » (3×03). La série assume totalement son schéma simpliste du good cop/bad cop – qui fut un temps synonyme de complexité – poussé à l’extrême dans un parallèle femme/homme d’un autre temps, qui finit par être presque gênant tant il est démodé.

À l’inverse, Emma s’assure que Joe reste du mauvais côté, tout en le protégeant : combien de fois la voit-on lui dire de raccrocher le téléphone pour ne pas être localisé ? Combien de fois souhaite-elle que Joe tue Ryan ? De ce point de vue-là, l’évolution du personnage est plus que décevante : en saison 1, elle nous est présentée comme une jeune femme à la vie difficile qui croit en Joe, qui ne voit rien de mal dans ses actions – tuer n’a rien de mal, finalement, si c’est pour une bonne raison ; c’est avant tout une question de pouvoir comme Jacob l’enseigne à Joey. « Maybe he’s not so bad. Maybe we just don’t understand him » réplique-t-elle d’ailleurs à Joey à la mi-saison 1 lorsqu’il cherche à comprendre pourquoi son père est si mauvais. Et pourtant : en saison 2, elle assume pleinement être du côté des méchants et bascule dans un manichéisme évident, comme si la série regrettait d’avoir un temps joué la carte du flou. Les ficelles deviennent grossières, Emma est désormais du côté des méchants parce qu’elle a tué Jacob. Plus de flottement ou de doute, c’est décidé, après la saison 1, il reste les méchants et les gentils en saison 2. Pour la saison 3, les gentils ne sont pas si gentils, mais pas totalement méchants pour autant. Voilà grosso modo la construction de ces trois saisons, et une fois repérée, le plaisir de découvrir la série est un peu compromis.

08

Le revers du rythme effréné : la surenchère

En plus de ces schémas, un autre problème vient saboter la série. C’est qu’avoir un rythme effréné, c’est bien, mais pénalisant. Malheureusement, le conserver pousse les scénaristes à en oublier la crédibilité des événements présentés. Comment aller vite avec un héros cardiaque ? En oubliant qu’il a des problèmes cardiaques pendant toute la saison 2, par exemple. Ryan, en début de saison 1, est incapable de courir plus de cinq minutes sans être sur le point de s’effondrer. À plusieurs reprises, son pacemaker est présenté comme un point faible exploité par les méchants pour (ne pas) le tuer. C’est l’une des faiblesses du personnage qui doit pousser le spectateur à l’apprécier. Pourtant, dès la saison 2, ses problèmes cardiaques disparaissent : ils sont cités à plusieurs reprises, mais jamais ne l’affectent directement lorsqu’il est poursuivi par les méchants, lorsqu’il croit sauver Lily, lorsqu’il se bat et tue Gisèle (snif), la liste est sans fin.

En terme d’évolution des personnages, cette surenchère du rythme aurait pu apporter beaucoup de bonnes choses. Malheureusement, l’exemple de Ryan est loin d’être le seul exemple d’oubli des scénaristes (mais c’est le plus flagrant). De manière générale, l’ensemble des personnages féminins ne connaît pas d’évolution au cours de la série : quand Claire décide de passer à autre chose et d’enfin évoluer, elle disparaît simplement des intrigues (mais ce n’est pas un mal, car les traits réussis de son personnage sont totalement détruits par la saison 2). Max est un personnage principal durant deux saisons, mais puisqu’elle sert de compas moral dans un schéma simpliste, elle est condamnée à ne pas évoluer alors que ses pendants masculins changent et deviennent des personnages hantés par les événements traumatiques qu’ils vivent. Le seul vecteur d’évolution du personnage de Max est donc… l’enchaînement de ses petits-amis. Bienvenue dans un monde anti-féministe au possible. Sur le même point, le personnage de Gina est intéressant : certes, elle se remarie et décide de quitter le FBI, mais finalement, elle passe surtout de personnage secondaire à abonnée absente. Quant à son caractère, elle ne semble pas si traumatisée que ça dans son dernier épisode. Et c’est un personnage sur lequel je vais revenir, évidemment, car sa simple introduction dans la série est un peu une honte si l’on pense à Debra. Dernier exemple : Carrie Cooke, femme forte et indépendante, certes, mais dont l’évolution fait peine à voir. Son personnage s’efface progressivement avec le retour de Claire. On pense alors que les scénaristes ont oublié son existence en début de saison 3. Elle ne réapparaît (pas) que pour être tuée brutalement en milieu de saison et servir l’évolution du personnage de Ryan, qui tombe un peu plus dans sa dépression alcoolique. Seuls les personnages masculins connaissent donc une vraie évolution au cours de ces trois saisons et seulement parce que le rythme l’impose, cette évolution est souvent remise en question, souvent effacée pour revenir au point de départ. À nouveau le cas de Ryan constitue un bon exemple : son alcoolisme disparaît aussi vite qu’il est arrivé (et Joe avec !) pour l’épisode final. Idem pour Mike, qui finit tout gentil sur son lit d’hôpital après une période sombre.

Le rythme intense pousse aussi à devoir tuer régulièrement des personnages, pour le simple principe de les tuer : il faut des événements choquants pour continuer la série. Dommage, car cela se traduit par des sacrifices parfois incompréhensibles sur le plan scénaristiques (Jacob) quand d’autres survivent très longtemps sans qu’on ne sache bien comment (Ryan, tu aurais dû mourir tant de fois).

Bien sûr, la série est parsemée de bonnes trouvailles. La famille de psychopathes internationale et les nombreuses scènes en français en font partie. Sauf que le manque de crédibilité des trois quart des événements dessert The Following : l’idée de la famille est bonne, mais il aurait fallu la développer et lui donner des bases bien plus solides. Autre saison, autre trouvaille sympathique : l’arc narratif du petit-ami de Max est peu original, mais l’engrenage est au départ bien amené. Malheureusement, il devient un peu trop extrême lorsqu’il tue sa partenaire du FBI et perd tout son charme en même temps que sa crédibilité dans cette surenchère peu enthousiasmante et du coup prévisible.

Surtout, tout au long de la série les mêmes codes du suspens sont utilisés à l’envi dans chaque épisode et finissent par lasser : par exemple, à combien de scènes dans l’obscurité à la recherche d’une proie à tuer (du côté des gentils comme des méchants) assiste-t-on au cours de ces 45 épisodes ? La surenchère ne peut pas être si surprenante dans une série qui parle de serial-killers. Malheureusement, elle dessert la série.

09

Jumping the shark : l’adieu à la crédibilité

En effet, comment ne pas penser à l’expression consacrée à une série perdant toute crédibilité, « jumping the shark », lorsque l’on apprend la résurrection de Joe Carroll dans le 2×01 ? Le personnage était mort en saison 1, choix osé de la part des scénaristes, mais qui avait l’avantage d’une prise de risque intéressante. Il restait Emma à capturer pour la saison 2, il aurait suffi de s’intéresser à sa vengeance pour proposer une saison bien construite. Le retour à la vie de Joe Carroll, absolument pas crédible, vient enterrer définitivement le peu de crédibilité qu’il restait à la série – marquant un tournant définitif et sans demi-tour. Il devient aussitôt évident que Claire est encore en vie (en fait, on s’en doute même avant) – dommage qu’il faille attendre huit épisodes pour la revoir.

À partir de cet instant, la série ne s’embarrasse plus de grand-chose. Le personnage de Debra est ressuscité par l’introduction de Gina Mendez, sosie physique et professionnel de l’agent tuée dans la saison précédente. C’est un peu comme si les scénaristes regrettaient d’avoir tué un personnage qu’ils auraient pu facilement sauver, s’ils n’étaient pas tenu par ce rythme impossible à conserver. L’ensemble des storylines de Gina sont d’ailleurs à noter comme exemples de Jumping the shark. Qu’elle soit lesbienne, pourquoi pas, c’est une bonne idée en soi, mais quel dommage de voir son ex tomber dans le double cliché de la lesbienne méchante et morte (sans vraiment qu’on ne comprenne pourquoi d’ailleurs). Gina ouvre aussi la saison 3 avec un mariage surprise, rencontrée moins d’un an après la mort de son ex donc, même si elle en était déjà séparée, c’est un deuil rapide. On n’en saura pas beaucoup plus sur cette femme, pourtant pris en otage par la suite… ce qui là encore est un bon gros requin.

Évidemment, Claire n’est pas morte et nombre de méchants se relèvent après avoir subi des blessures apparemment fatales (Luke notamment). Cela se vérifie aussi du côté de nos gentils préférés, Mike étant déjà un parfait exemple avant même d’être poignardé à trois ou quatre reprises par Mark. Cela se poursuit jusqu’à l’épisode final qui propose ce qui est peut-être le pire twist de la série : un tueur qui se relève après s’être pris une balle dans la tête et « tue » Ryan, qui bien sûr n’est pas mort. Ultime pied de nez des scénaristes, qui semblent ne plus avoir beaucoup d’envie de proposer une série logique et qui donnent l’impression qu’eux-mêmes ne savent pas s’ils voulaient vraiment d’un happy end pour leurs… followers.

Le spectateur-follower

10

Un jeu évident

Comment parler de The Following sans évoquer le jeu le plus évident des scénaristes, à savoir créer une armée de followers sur Twitter ? Tout est mis en place pour que le spectateur soit accro à la série, on l’a vu, l’addiction est souhaitée. Pourtant, la sauce ne prend qu’en partie : plus les épisodes passent, moins elle est forte. D’où la lente déchéance évoquée en titre de cet article.

C’est que la série repose finalement toujours sur les mêmes enjeux, les mêmes ficelles, les mêmes schémas et tombe même dans le panneau des clichés. Par la notion de clichés, je pense surtout au couple Max/Mike, prévisible et insipide à souhait dès leur rencontre et auquel la saison 3 fait encore un peu plus de mal que de bien. Suivre des schémas simplistes n’est pas forcément mal, c’est parfois réussi, mais c’est dommage d’une série qui proposait un pilote original et plutôt subversif.

La fin ouverte de la série semble être un appel, un cri de ralliement pour les fans. Elle est tellement ouverte (à la va-vite) qu’elle donne l’impression que les scénaristes ont voulu tester l’influence de leur fanbase à l’ère des renouvellements sur Netflix et Hulu. Mauvais pari : la qualité d’écriture n’y est plus et personne ne peut en être totalement dupe. La série doit être consommée dans un bingewatching vraiment rapide pour que l’effet addictif prime sur la déception : plus on prend du recul sur la série, plus elle apparaît pleine de lacunes béantes. La fin ouverte, en revanche, est appréciable en elle-même. Elle permet d’imaginer un peu la suite que l’on veut et correspond mieux au personnage de Ryan, auquel une fin heureuse n’irait pas. L’imaginer protéger sa famille de loin en continuant de tuer tous les méchants ? Peut-être la meilleure proposition de la série depuis bien longtemps. Après tout, le meilleur épisode de la saison établit Ryan comme un nouveau Joe.

11

Un jeu attendu

Finalement, plus les épisodes passent et plus l’on attend un jeu convenu (et donc décevant car le début était surprenant) de la part de la série. Les retournements de situation ne sont plus vraiment des surprises. Ceux qui le sont encore font sourire. Le cliffhanger de la saison 1, par exemple, est prévisible à souhait, prévisibilité révélée même dans la réplique finale de Molly : « You were always my chapter, Ryan, Joe promised me ». C’est d’ailleurs la dernière référence aux fameux chapitres prévus par Joe, qui ont rythmé la saison 1 avant de disparaître. Dommage, c’était un élément constitutif de la série qui avait le mérite de fonctionner et d’expliquer sans prise de tête les motivations des followers. Par la suite, les scénaristes ne s’embarrassent plus et ne cherchent plus vraiment de mobiles aux meurtres de leurs personnages.

Les scénaristes s’amusent à semer des indices sur le futur de la série, mais le font de manière grossière. La mort d’Emma est par exemple annoncée par Claire dès la saison 1 elle veut être celle qui tue cette ex-nourrice. L’épisode Silence est dépourvu de tout suspens à partir du moment où Emma raconte ce qu’elle pense de la mort : il est évident que c’est son dernier épisode, tant tous les signes sont réunis pour indiquer aux spectateurs qu’elle va être tuée.

Tout au long de la série, il y a d’ailleurs ces meurtres attendus et disons même destinés, des schémas de vengeance déjà évoqués plus haut. Jacob et Emma, d’abord. L’un devait mourir de la main de l’autre, et les deux le savaient très bien dès la mi-saison. Emma et Claire, Mike et Lily, Mike et Mark ensuite. Sur ce dernier duo, est-il utile de revenir sur l’évidence de leur intrigue, surtout en fin de saison 3 ? La scène de couple entre Max et Mike dans le parking sous-terrain en fin d’épisode ne pouvait mener qu’à ça, et le spectateur n’en attendait pas moins.

Dans cette idée d’un jeu attendu, il faut revenir aussi sur certaines intrigues laissées en suspens dans le dernier épisode qui en deviennent presque frustrantes. Pendant quinze épisodes, on s’attend à découvrir que Gwen est la grande méchante de la saison – avec des répliques malhabiles évidentes où le personnage cherche à faire avouer leurs mensonges aux gentils et à glaner des informations qu’elle n’a pas à avoir. Et pourtant, rien n’est révélé dans cette saison 3.

12

Un jeu de références

Pour s’assurer le suivi des spectateurs, les scénaristes s’amusent à glisser de nombreuses références à saisir. Rien de nouveau : c’est l’apanage de plus d’une série depuis Lost et (notamment) ses chiffres maudits présents un peu partout (et au-delà d’elle-même, avec leur reprise dans Once Upon a time).

Les références à Poe vont parcourir l’ensemble de la première saison, dans des dimensions en fait toujours très minimes. Pas besoin d’avoir lu les œuvres de l’écrivain pour comprendre la série, mais le prolongement proposé est tentant : l’idée est de pousser les spectateurs à lire pour prolonger le plaisir de la série. Les meurtres s’inspirent de l’œuvre de Poe et les scénaristes cherchent à faire croire que le jeu de Joe Carroll peut être décodé si l’on lit Poe.

Le problème, c’est que ce n’est pas le cas. Certes, on emmure une femme et on en enterre vivante une autre. Certes, les femmes ont beaucoup moins de chance de survivre dans cette série, comme dans un bon livre de Poe. Au-delà de ça, néanmoins, pas de décryptage mystique permis par l’œuvre de Poe.

Le jeu de références se perd dans la suite de la série. En saison 2, il devient références bibliques, parce que Joe Carroll a les initiales de Jésus-Christ et parce qu’on nous présente une secte qui se rallie au pouvoir de Joe car… Ah oui, car rien du tout, justement.

En saison 3, il est rapidement fait par le premier épisode, qui propose des auto-références. Là encore, il s’agit de surenchère de rythme, qui ne mène nulle part. D’ailleurs, aucune crédibilité non plus dans Mark mettant en scène les anciens meurtres marquants de la série… Il n’y a même pas assisté ! Le jeu de référence est ensuite totalement absent jusqu’à l’épisode 10. Les dernières paroles de Joe Carroll sont une référence directe au poème célèbre de Poe, The Raven. Dans cette scène d’exécution, on aperçoit ce qui aurait pu être une vraie force de la série : le charisme de Joe est transcendant dans ce dernier Nevermore.

 ——–

13

                En d’autres termes, The Following est l’histoire d’une déception. Les scénaristes surprennent dans le pilote en tordant le cou aux conventions, puis en proposant des personnages à la qualité d’écriture vraiment surprenantes (Claire en saison 1, Joey, Jacob, les jumeaux…). Malheureusement, le manque de crédibilité vient détruire cette réussite et certains personnages connaissent une évolution tout simplement catastrophiques. Claire est de ces personnages : une saison 1 parfaite, une saison 2 où elle n’est que l’ombre d’elle-même et où on est heureux de la voir partir…

Bref, The Following débute sur de bonnes bases et tombe petit à petit dans la médiocrité pour s’achever sans proposer de fin fermée, après une lente déchéance qui ne laissait que peu d’espoir de renouvellement… Dommage !

Cette série reste à conseiller pour ceux qui cherchent un peu d’adrénaline et d’addiction sans prise de tête, et c’est tout. Je n’en décrochais pas en la visionnant d’une traite, mais seuls les défauts en ressortent aujourd’hui avec le recul… Disons que ça se regarde et que c’est sympa, sans plus.